Acile Nahlawi a 25 ans, elle est étudiante en dernière année de médecine à L’Université américaine de Beyrouth (AUB). En janvier 2020, elle a fondé la Gold Clinic, une initiative étudiante et humanitaire au sein de l’AUB qui apporte une aide médicale et sociale gratuite aux personnes âgées dans le besoin.

« La question de la vieillesse me touche depuis longtemps. Ma grand-mère est décédée il y a deux ans, elle était gravement malade depuis plusieurs années. Toute sa vie, elle a été une personne forte et indépendante, qui s’est battue pour promouvoir les droits des femmes en leur donnant des opportunités d’emploi à travers une ONG qu’elle a dirigée, «Providing Charity ». L’état de santé de ma grand-mère m’a poussé à me renseigner sur les conditions de vie des personnes âgées. Ça m’a ouvert les yeux. Après son décès, j’ai commencé à aller à la rencontre de nos aînés sur mon temps libre avec mes amis, à organiser des événements et des levées de fonds à leur profit.

J’ai réalisé à quel point leurs conditions de vie sont mauvaises : comment la société les oublie, les cantonne à un statut de seconde zone, à quel point les stéréotypes et les discriminations pèsent sur cette classe d’âge qui est vue comme inutile et inactive, tout juste bonne à regarder la télévision. Il suffit de voir les réactions au début de l’épidémie de coronavirus. Certaines personnes estiment qu’on en fait trop avec le Covid car après tout il tue avant tout les plus âgés d’entre nous. Ça en dit long sur notre rapport au troisième âge.

Parallèlement à cette invisibilité, nos aînés souffrent d’un manque criant d’accès aux soins. Les assurances santé sont inabordables pour un bon nombre d’entre eux. Ils doivent payer les soins de leurs poches alors même qu’ils n’ont plus d’activité rémunérée. Cette situation s’est évidemment renforcée avec la crise.

C’est pour cela que j’ai lancé la Gold Clinic en janvier 2020. Le nom vient de la contraction de « Growing Old », c’est aussi un jeu de mots avec le fait que je considère que la vieillesse est l’âge d’or des êtres humains, que ce soit en termes de sagesse ou d’expérience. 

Gold Clinic est une clinique gratuite menée par des étudiants bénévoles au sein de l’Université américaine de Beyrouth, qui ouvre tous les vendredis. Les deux seuls prérequis pour y avoir accès sont d’avoir plus de 60 ans et d’être en difficulté financière. Nous offrons une multitude de soins comme la cardiologie, les tests en laboratoire, l’ophtalmologie, la chirurgie, l’imagerie médicale ainsi qu’un accès aux médicaments et un soutien psychologique. Nous avons aussi l’ambition de développer le volet social de la clinique à travers des activités intergénérationnelles (goûters, jeux, etc.)  entre  personnes âgées et enfants. Ces initiatives sont encore très rares au Liban. 

La Gold Clinic répond donc à un double objectif . Apporter des soins aux personnes âgées dans le besoin et casser les préjugés qui pèsent sur cette classe d’âge en leur donnant de la visibilité. Nous travaillons aussi à intégrer les violences domestiques sur les personnes âgées dans le curriculum universitaire de l’AUB. Car en tant qu’étudiants, nous ne sommes pas formés à détecter  et réagir à ce type de violences.

Acile Nahlawi, founder of Gold Clinic

Pour les 200 étudiants bénévoles, encadrés par des professeurs de l’AUB, la Gold Clinic est un excellent moyen de s’affirmer en tant que futur médecin. Nous compilons aussi les données de nos patients afin de former une data base qui permettent aux corps médical de mieux appréhender la prise en charge des personnes âgées.

Les patients nous sont envoyés par des ONG locales ( Ajialouna, Beit-El-Baraka et AUB Neighborhood Initiative ) avec qui nous collaborons et qui s’assurent que les patients ont des besoins financiers importants. 

Concernant le financement de la clinique, nous dépendons exclusivement des dons et des levées de fonds que nous réalisons régulièrement à travers des ventes de masques par exemple. Nous sommes des étudiants en médecine, donc autant dire que nos connaissances en management et en business sont limitées. C’est là qu’intervient le programme Omdi, un projet de l‘ambassade de France et de l’Institut français en collaboration avec l’incubateur makesense qui vise à soutenir les jeunes initiatives qui apportent des réponses à un défi local au Liban et dont nous sommes  lauréats. On sentait que nous avions beaucoup de questions, de compétences à développer, de challenges financiers à relever. Omdi est venu combler un vide dans notre démarche à travers des sessions de formation et une aide financière.

Nous ne cherchons pas à avoir un maximum de patients. Ce qui nous intéresse c’est d’être capable d’assurer un suivi personnalisé et sur le long terme pour chacun d’entre eux. Pour l’instant, nous avons 70 patients réguliers. Notre objectif est d’atteindre les 100 patients réguliers par an.

La création de la clinique n’a pas été simple. Je ne suis qu’une simple étudiante et j’ai dû convaincre à la fois mes camarades de classe, nos professeurs ainsi que des ONG de nous soutenir. On m’a dit que ce n’était pas le moment, que je ferais mieux de me concentrer sur mes études. C’est vrai que je fais parfois passer la clinique avant l’université, mais je me suis accroché à mon rêve et je n’ai aucun regret. J’ai besoin de participer au changement maintenant, de combler le vide qui existe sur le traitement des personnes âgées. Aujourd’hui, nous sommes fiers d’être l’initiative étudiante la plus active de toute l’université. Aider les gens dans le besoin, à notre humble niveau, c’est un honneur.”

Omdi est un programme financé par l’Institut Français du Liban et l’Ambassade de France, en partenariat avec l’incubateur makesense, qui soutient 15 projets portés par des jeunes au Liban, visant à résoudre une problématique sociale et environnementale locale.

#GSC Ce post est sponsorisé par Omdi