Pour les fêtes de fin d’année, on s’est dit que ca pourrait être sympa de vous suggérer quelques lectures d’auteurs libanais, pour essayer de (re) tomber amoureux de ce pays (ou pas, on reconnait qu’en ce moment, c’est difficile). Ca tombe bien, on a une amie, Zeina Fayad, qui vient de signer son premier roman intitulé L’Insouciance retrouvée, qui a bien voulu partager avec nous et vous ses dix livres préférés de la littérature libanaise, qui vont vous permettre de vous ressourcer en ces temps de crise.

1) Khalil Gibran, Beloved Prophet: the Love Letters of Kahlil Gibran and Mary Haskell (En Anglais) Correspondance de Gibran et Journal de son amie Mary Haskell [décédée en 1964]:  ce livre offre plusieurs petits trésors comme des conseils aux jeunes artistes sur le chemin de la reconnaissance- très appréciables quand les embûches se font nombreuses- ou bien des petits riens qui nous rendent encore plus amoureux de la vie et nous font simplement du bien… 

2) Pour bien apprécier, complétez avec le petit livre biographique d’Alexandre Najjar, Khalil Gibran : l’auteur du Prophète. Gibran a su aussi bien cerner le sentiment unique de l’artiste et de l’amant, que la spécificité de ce petit pays aux sources des religions et des civilisations. Vous replonger dans sa vie c’est aussi retrouver la magie des montagnes et des cèdres sacrés et résilients, et bien sûr de tous ces gens qui ne vous quitteront plus où que vous décidiez d’aller par la suite. 

3) Mikhail Naïmé, Le Livre de Mirdad Mikhail Naïmé montre un troisième volet de ces pensées mystiques. Son roman est idéal pour tout savoir sur ces grands auteurs libanais de New York de la première vague. En deux mots, « ouvrez votre troisième œil! », ce livre est un sanctuaire. Vous y trouverez des secrets pour mieux vivre et tout revoir autour de vous avec émerveillement. Naïmé nous rappelle que les religions qui nous divisent aujourd’hui sont avant tout à la source d’un amour qui nous unit au monde, aussi bien au ruisseau, qu’aux arbres, aux marguerites, aux écureuils, aux autres, et à tout le vivant… à méditer! 

 4) Venus Khoury Ghata, Anthologie personnelle Comment écrire après le désastre de la guerre du Liban ? Selon moi, les plus beaux mots nous viennent des femmes et sont naturellement en poésie. Vous l’avez bien compris, je parle de poésie, surréaliste, débridée, comme celle de Nadia Tuéni aussi, ou même celle au masculin de Georges Shéhadé – mais je ne peux malheureusement pas citer tout le monde. Des sources profondes et douces à l’oreille… Un exemple : « Les livres que nous feuilletions venaient de la forêt/ Qui nous regardait lire/Du cri de l’écorce qui se prolongeait sous la peau des pages ». Vous trouverez dans ces poèmes des voix émanant d’assez loin et assez fortes pour expliquer à quiconque qu’on peut tout pardonner ici sur terre, et surtout le faire sans rien perdre de la beauté des luttes à travers lesquelles nous passons.

5) Amin Maalouf, Les identités meurtrières Et puis, il y a Amin Maalouf, qui a rythmé mon enfance avec ces romans épiques, et que je retrouve adulte dans ce puissant essai sur ce qui fait un « Libanais ». Ses conseils sont toujours d’actualité pour reconnaître notre identité multiple et mieux accepter celle des autres. Amine Maalouf nous apprend qu’il ne servira à rien d’essayer de rebâtir notre pays sur des principes identitaires parce que nous sommes des millions, que dis-je des milliards de fois, plus riches que ces divisions. A la source de  l’identité de chacun de nous, il y a en effet un peu tous les ingrédients qui font le Liban. Pour simplifier, si on remonte assez loin, nous sommes tous issus de la même souche de persil, et nous faisons partie du même taboulé!  

6) Rawi Hage, De Niro’s Game (En Français) Plus proche de nous. Qui n’a pas connu un “De Niro” dans son quartier ? On peut dire que les Libanais ont du vécu… Ils ont traversé beaucoup d’épreuves… et on peut apprendre beaucoup en se retournant sur le passé de ceux qui ont combattu. Par exemple, les combattants avaient des surnoms aussi étranges que “De Niro”… Quand on est face à un aussi bon orateur que Rawi, ces récits sont également envoûtants! Un livre ressource pour ceux qui aiment imaginer. Et c’est déjà un pas vers la reconnaissance de l’autre, car c’est une façon de mieux comprendre le passé et sa cruauté, mais surtout de lâcher prise. En effet, de là on a vite fait de conclure qu’il faut absolument trouver une autre solution plus humaine pour le futur.

7) Hyam Yared, Sous la tonnelle Au même moment à Beyrouth, Hyam Yared refait sa généalogie au féminin. Je suis tentée de dire : Qui n’a pas connu cette vieille dame dans une villa magique sur la ligne de front ? Voici l’histoire d’une grand-mère et de sa correspondance secrète. Et là toutes mes pensées vont à ces personnes âgées qui ont vu cette fois-ci en 2020 passer l’ouragan sur leur maison à proximité du port. Ils feront certainement l’objet d’un livre aussi charmant et poignant que celui-ci bientôt. 

8) Camille Ammoun, Ougarit Pour terminer cet article, place à la découverte. Voici un premier roman d’un Libanais pas comme les autres, qui vit avec ses arrachements et son exil dans un tourbillon permanent . Camille a su rapprocher en un cercle Beyrouth, Dubaï, Paris et puis du même coup toutes les communautés diverses qui font la richesse et l’attrait de ces villes-monde. Il réconcilie également ces énormes constructions humaines avec la nature ancestrale et la mer, en les liant à travers des aventures intriguantes. Son secret ? Je ne le divulgue pas ici pour que vous puissiez le lire par vous-même. Vous pourrez ensuite découvrir son nouveau roman Octobre Liban qui vient de sortir.

9) Hala Moughanieh, Tais-toi et creuse! Du théâtre avec Hala Moughanieh qui creuse dans notre mémoire collective sanguinaire avec un regard jeune et indigné… Pourquoi ma génération souffre ? Je n’y suis pourtant pour rien ? Hala propose avec beaucoup d’humour quelques éléments de réponse à ces questions, mais elle nous laisse surtout une impression orgiaque et drôle. Ce premier texte de jeunesse a été suivi de de quelques autres textes “vivants”, c’est à dire des représentations à travers le monde, dont La mer est ma nation par exemple, mais il est à cette date le seul que j’ai eu entre les mains sur du papier! 

10) Bernard Boulad, La guerre des autres …Enfin, voici un genre alternatif! Bernard Boulad fait une BD illustrée par Gaël Henri, dont les deux premiers tomes sont déjà parus et qui promet encore bien des surprises… Expatrié d’Egypte une première fois, puis du Liban une seconde fois, il lance enfin un regard tendre sur le monde de sa jeunesse et sur toutes les aventures qui ont fait de lui un homme un peu meilleur.

 Bonne lecture! 

Vous pouvez retrouver le livre de Zeina sur les stands des libraires francophones aux éditions Dar Saër el Mashrek, ou bien les commander en ligne sur FB ou Instagram chez Thebookshoplb.

Text: Zeina Fayad