La pratique de l’auto-flagellation à Achoura, très spectaculaire d’un point de vue visuel, ne fait pas l’unanimité auprès de la communauté chiite.

Ce 10 septembre 2019, la communauté chiite commémore Achoura, le jour où Hussein Ibn Ali le petit-fils du prophète Mohammed est mort en 680.

Vous avez déjà pu lire il y a quelques jours un article qui répondait justement à la question : “Pourquoi certains chiites se flagellent et se coupent le front à cette occasion?” ( la pratique est appelée Tatbir).

Quelle est l’origine de Tatbir ?

Pour la petite histoire, la 1ère fois que le Tatbir a été pratiqué remonterait à 3 ans après la mort de Hussein, lorsque le chef de la communauté chiite de Koufa organise une procession accompagnée de lamentations et flagellations pour se repentir de ne pas avoir secouru Hussein. Le Tatbir s’est répandu au Moyen-Orient sous le règne des dynasties chiites (comme celle des Bouyid au 10ème siècle), mais a été interdit sous le règne des dynasties sunnites (à l’instar des Ottomans).

L’auto-flagellation controversée auprès de la communauté chiite

L’auto-flagellation n’est pas le fait de tous les chiites. Seuls les mouvements les plus religieux maintiennent la tradition du saignement.

L’Ayatollah Khomeini s’y est quant à lui publiquement opposé. Le Hezbollah l’a interdite à ses membres. La municipalité de Haret Hreik préfère même organiser une collecte de sang à cette occasion. 

Beaucoup de chiites la considèrent comme une auto-mutilation, et donc “haram”, interdite par la religion.

Tatbir fait débat auprès des Libanais

Vous avez été très nombreux à dénoncer le post du vendredi 6 septembre 2019, notamment le choix du sujet et très souvent aussi la photo, jugée trop violente.

On a alors voulu vous répondre aujourd’hui car notre objectif n’était pas de choquer, et surtout pas de donner une mauvaise image de la communauté chiite ! (l’une des co-fondatrices de Labneh&Facts est elle-même chiite). On répond ici à vos questions en toute transparence 🙂

  • Sur le choix du sujet, c’est tout simplement une question qu’on se posait nous-mêmes depuis longtemps. On avait envie de connaître les raisons historiques de cette tradition qui est quand même assez impressionnante. On a donc cherché les réponses et décider de les partager avec vous. C’est notre ligne éditoriale à Labneh&Facts : répondre aux questions que les Libanais se posent mais n’osent pas toujours poser à voix haute, même si elles sont controversées
  • Pour le choix de la photo, on s’excuse si elle a pu choquer certains. C’est une vraie photo (sans montage), prise par une amie journaliste à Nabatiyeh lors des commémorations de Achoura il y a quelques années. On l’a choisie parmi six photos prises car on trouvait qu’elle illustrait bien la question qu’on se posait.

Quoiqu’il en soit, la pratique de Tatbir, aussi spectaculaire qu’elle soit, reste le fait de minorités. Un peu comme la crucifixion, encore pratiquée par certains catholiques philippins.

Sources : Dictionnaire historique de l’Islam de Janine et Dominique Sourdel
NYTimes, ‘Bloody and Belittled Shiite Ritual Draws Historic Parallels’