Julie, 32 ans, a perdu son mari il y a 4 ans : il s’est suicidé. Il souffrait de dépression chronique.

Aujourd’hui, elle a un message important à faire passer.

Voici son histoire.

« Mon mari s’est suicidé il y a quatre ans. Il s’est tiré une balle dans la tête dans sa voiture. Il souffrait de dépression chronique depuis une vingtaine d’années. Notre fille avait 2 ans.

J’étais avec ma meilleure amie quand je l’ai vu pour la première fois, dans un café à Verdun. Je me souviens lui avoir dit: tu vois cet homme, je vais l’épouser 🙂 J’ai alors commencé à retourner souvent là-bas, en espérant le voir. Lui faisait pareil! Un jour il nous a offert un dessert, puis m’a invitée à sortir. C’est comme ça que tout a commencé.

J’aimais tout chez lui: il était très beau, avait de magnifiques yeux bleus, de belles épaules, un magnifique sourire. Et puis, il était si gentil et respectueux. C’est pourquoi je me suis inquiétée lorsqu’un un jour, il a annulé notre rendez-vous à la dernière minute et sans explications.

J’ai senti que ce n’était pas lui, qu’il y avait quelque chose de grave. Je l’ai appelé pour lui demander s’il allait bien et il m’a répondu “j’espère”. J’ai insisté pour savoir ce qui se passait. C’est là que j’ai appris qu’il souffrait de dépression. Il m’a avoué qu’il avait été admis à l’hôpital, dans le département de psychiatrie. J’ai voulu le voir, j’ai pris un jeu de cartes, on a commandé à manger, on s’est amusé ensemble et c’est là, à l’hôpital, qu’ il m’a demandée en mariage.

Pour moi c’était quelque chose de commun: tout le monde est déprimé, on entend cela tous les jours, non?

Jusqu’à présent, j’ai du mal à comprendre ce qu’est un trouble mental.

Et à l’époque c’était pire: même si je savais qu’il souffrait de dépression, pour moi c’était quelque chose de vague.

Je ne savais pas vraiment ce que cela voulait dire. Je n’ai même pas jugé important de le dire à mes parents. Pour moi c’était quelque chose de commun: tout le monde est déprimé, on entend cela tous les jours, non?

Pendant notre mariage, j’avais pourtant bien remarqué certains symptômes. Il dormait trop, était tout le temps fatigué. Les extrêmes sont en général des signes. Mais malgré cela, pour moi il n’avait jamais fait quoique ce soit d’alarmant ou d’effrayant, il n’a jamais eu un mot plus haut que l’autre ou même élevé la voix. C’était assez difficile de penser qu’il ferait une chose pareille.

Parfois je lui demandais: “pourquoi es-tu si fainéant? Allez, reprends toi, viens on va faire ça et ça”,  et je ne comprenais pas qu’il ne puisse pas.

Et puis un jour, j’ai moi-même souffert de dépression, ce qu’on appelle le baby blues, juste après avoir eu ma fille. Je me sentais tout le temps fatiguée. Ma famille et mes amis me disaient tout le temps: “Allez, reprends-toi, on a tous eu plein d’enfants et toi, tu ne t’en sors pas avec UNE  fille…” Mon mari a été le seul à me comprendre. C’est là que j’ai commencé à saisir que la dépression c’est quelque chose de réel et qu’on ne peut pas juste “décider” de se reprendre.

Mon mari m’a beaucoup appris sur la vie, il m’a montré ce qu’était la compassion, l’empathie, toutes ces choses qu’on n’apprend pas à l’école. Il m’a encouragée à comprendre les gens, à les écouter, et surtout… à ne pas les ignorer.

La nuit avant qu’il ne mette fin à ses jours, il n’était pas bien du tout. Il m’envoyait des messages en me disant que ma vie et celle de ma fille seraient meilleures sans lui. Dans sa tête il se disait que s’il restait, sa fille pourrait devenir pessimiste comme lui alors que s’il partait, elle serait optimiste comme moi. Ce qui bien sûr était faux.

Mon mari voyait pourtant plusieurs thérapeutes, il prenait aussi des médicaments. A ce moment là, il changeait de traitement. D’habitude, il se faisait hospitaliser pour cela mais cette fois-ci, ça n’a pas été le cas.

Je ne sais pas pourquoi il n’a pas été admis à l’hôpital.

Je n’ai pas dormi cette nuit-là, j’étais inquiète mais je n’ai jamais pensé qu’il mettrait fin à ses jours. On dénie ce genre de pensées, on se dit que c’est impossible.

Le lendemain il m’a dit qu’il se sentait beaucoup mieux, alors on s’est habillé, on s’est préparé pour amener notre fille à l’école, il nous a embrassées, nous a dit qu’il nous aimait et il est sorti de la maison. On l’a retrouvé plus tard dans sa voiture.

J’ai demandé au thérapeute qui le suivait pourquoi il m’a dit qu’il se sentait mieux alors qu’il s’était donné la mort. Il m’a répondu que c’est parce qu’il avait pris sa décision, et que cela l’avait probablement délivré.

La veille de sa disparition, j’avais pourtant demandé de l’aide, je voulais l’opinion d’un autre médecin, j’ai appelé en désespoir de cause pour un rendez-vous en urgence avec l’un des meilleurs docteurs. Il m’a rappelée trois mois après, mais c’était trop tard.

J’ai mendié de l’aide mais il n’y avait pas d’urgences psychiatriques à cette époque et personne n’écoutait.

Mon mari cachait très bien sa dépression. En public il rigolait, il avait besoin des autres autour de lui, il me demandait souvent d’inviter des amis à la maison. Il avait l’air si heureux, au point que les gens n’ont pas cru à son suicide. Pourtant, les symptômes étaient là.

Aujourd’hui, tout le monde doit écouter: les hôpitaux, les médecins, les proches.

Ce qui aurait pu faire la différence, c’est si les gens savaient écouter.

Pas seulement ce que les dépressifs disent, mais aussi et surtout ce qu’ils ne disent pas.  

Ce soir là, la hotline de Embrace (1564) nous aurait probablement sauvés, mais elle n’existait pas encore. »


Selon l’OMS, la dépression est un trouble mental courant. Elle peut être durable ou récurrente, entraver sensiblement l’aptitude à faire face à la vie quotidienne. Au stade le plus grave, la dépression peut conduire au suicide.

Un Libanais sur 20 aurait déjà pensé mettre fin à ses jours, selon l’ONG spécialisée en santé mentale IDRAAC.

Si vous vous sentez déprimé, lisez notre article sur  8 signes  que vous souffrez peut-être d’un trouble mental.

Et si vous voulez vous sentir mieux, lisez notre article sur 5 petites choses qui peuvent vous aider, ou contactez un professionnel de la liste qu’on a compilée, ou encore écoutez 5 personnes qui souffrent de troubles mentaux partager leurs trucs et astuces pour aller mieux.

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