Salim Naufal est un père libanais comme il en existe peu.  Il refuse le culte de la virginité de la fille avant le mariage qu’il considère comme une forme d’aliénation de la femme. Il dénonce une société hypocrite où tout le monde se ment. Lui affirme haut et fort laisser sa fille vivre avec son copain.
Voici son histoire:

“J’ai ouvert le sujet de la sexualité avec ma fille quand elle eu 16 ans. Elle commençait à fréquenter des garçons, alors je lui ai dit : “Ma chérie, tu vas certainement tomber amoureuse et avoir envie de faire certaines choses. Tu feras ce qu’il te plaît, tout ce que je te demande c’est de bien te protéger et de ne pas prendre ça à la légère car c’est quelque chose qui te marquera toute ta vie. Pour le reste je te fais confiance. Je sais que tu ne prendras pas de décision sans réfléchir car c’est comme ça que je t’ai éduquée.”

Pour moi c’était important d’avoir cette conversation, car je savais que ça ne servait à rien de me mentir. J’aurais eu beau lui dire “le sexe avant le mariage c’est interdit, tu n’as pas le droit”, elle l’aurait fait de toute manière, mais en cachette. C’était d’ailleurs le cas de beaucoup de ses copines. Ma fille me racontait comment ses amies mentaient à leurs parents pour passer des nuits avec leurs copains. Moi je ne voulais pas me voiler la face. Je savais aussi qu’elle allait partir faire ses études au Canada et que de toute manière, elle allait être libre, que je ne pourrai pas être avec elle 24 heures sur 24 pour la surveiller, alors autant lui donner les moyens de se protéger des MST, du risque de tomber enceinte, etc. Je voulais garder une relation honnête et mature avec elle.

De toute manière je n’ai jamais compris l’argument inverse : que quelqu’un m’explique pourquoi la fille devrait absolument rester vierge et le garçon faire ce qui lui plaît? 

Pour éduquer ma fille je suis toujours parti du principe que tout ce qui m’était permis, lui était permis aussi. 

C’est comme ça que moi-même, j’ai été éduqué. Ma mère nous a élevés ma soeur et moi sur un pied d’égalité. Si ma soeur devait faire la vaisselle et aider pour les tâches ménagères, je devais en faire autant. Je ne sais pas d’où venait ce côté très libéral et féministe de ma mère, mais elle me l’a certainement transmis quelque part.
A la maison, il n’y avait pas cette différence entre l’homme et la femme comme ce qui peut exister dans beaucoup de familles libanaises, même aujourd’hui. Chez nous la femme n’est pas au service de l’homme et c’est exactement comme ça que je voulais éduquer ma fille.
Moi-même quand je me suis marié, je me fichais pas mal de savoir si ma femme était vierge ou non. Pourquoi l’homme qui a des aventures on l’appelle “abadaï” (le “fort”) et la femme on la traite de fille facile ?

Je ne comprends pas non plus cette culture du “charraf”, l’honneur de la famille. Ca veut dire quoi? Que la fille est une marchandise et qu’en perdant sa virginité elle dégrade l’honneur de la famille ? Ok au temps du moyen-âge, les femmes étaient des monnaies d’échange, notamment en temps de guerre, mais aujourd’hui, ces raisons historiques n’existent plus. Mais pour des raisons que je ne comprends pas beaucoup de familles y restent attachées, ce qui est dégradant pour toutes les femmes et en plus très hypocrite. 

Car tout le monde le fait mais en cachette ! Je connais plein de femmes qui pour se marier se sont fait font refaire l’hymen. C’est une mentalité archaïque où tout le monde se ment.

Au- delà du côté “simplement” physique, ce qui me pose problème avec les personnes qui prônent la virginité de la fille avant le mariage, c’est toutes les valeurs qui vont avec cette mentalité; c’est tout une conception de la femme qui va avec. 
Celle que la femme est au service de l’homme, qu’elle doit rester à la maison, s’occuper des tâches ménagères. Et aussi dans le sens inverse, que c’est la responsabilité de l’homme de subvenir aux besoins de sa femme. Que s’il y a des difficultés financières c’est à lui de tout régler, que la femme est dépendante. Je refuse cette mentalité pour ma fille. 

Depuis qu’elle est petite, j’ai voulu lui apprendre qu’elle s’appartient à elle et à personne d’autre. J’ai insisté pour qu’elle soit indépendante à tous les niveaux : financièrement et personnellement. Aujourd’hui elle est ingénieure, elle se prend en charge. Elle vit à Montréal avec son copain. 

Elle sait que je suis là pour l’aider quand elle veut mais si jamais je disparais elle pourra subvenir à ses propres besoins et n’aura pas à dépendre d’un homme.

Je vois tellement de femmes qui se font maltraiter par leurs maris qui les trompent ouvertement ou même les violentent parfois, mais ne sont pas capables de les quitter car elles dépendent d’eux financièrement. Ce genre de situation me révolte complètement !

Je n’ai jamais voulu ça pour ma fille. Je voulais qu’elle ait la liberté de choisir de quitter son partenaire si un jour il ne la traite pas de manière acceptable. On ne sait jamais comment les choses peuvent évoluer dans un couple. 

Je veux lui apprendre que les couples qui réussissent sont ceux qui s’entraident et se protègent mutuellement. Et pour ça, il faut que les deux contribuent. 

Je suis convaincu que nous influençons la société.  Par des petites actions comme ça, comme laisser sa fille vivre avec son copain. Si plusieurs personnes qui pensent comme moi le font, un jour ça deviendra normal. C’est à nous de faire bouger les choses et avoir le courage de dire:  “je m’en fous de la société et je veux vivre honnêtement.”

Cet article fait partie de notre enquête sur la sexualité des Libanais, #LFonsexuality

Reportage et écriture: Soraya Hamdan
Photo: Soraya Hamdan
Edition: MJ Daoud