Jad*, 29 ans, a été élevé avec une éducation chrétienne dans une famille traditionnelle. Pendant longtemps, il voyait le sexe avant le mariage comme quelque chose de “mal” et ne pouvait pas imaginer “faire ça” à une fille qu’il aime. Jusqu’à ce qu’il passe par une expérience qui a complètement bouleversé sa manière de voir l’amour, le sexe et la vie en général. 

Voici son histoire.

“ Ma première fois c’était avec une Libanaise qui vivait aux Etats-Unis. C’était en 2009, j’avais 20 ans, elle s’appelait Mira. On s’était rencontré lors d’une fête pendant un été qu’elle passait au Liban. Dès que je l’ai vue je suis tombé amoureux. Mais c’était très platonique. On s’est juste échangé nos numéros de téléphone et on a commencé à tchater, car après l’été elle a dû rentrer aux Etats-Unis. 

Un an plus tard, quand elle est revenue au Liban, j’étais toujours hyper amoureux. Je voulais l’impressionner, alors je la faisais sortir, je l’amenais dans des endroits tendances, je voulais qu’elle soit heureuse…

Au bout d’un moment j’ai eu besoin d’exprimer mon amour physiquement aussi. Sauf que je n’osais même pas y penser. A cette époque j’avais une tout autre mentalité. Je viens d’une famille chrétienne assez pratiquante. Quand j’étais plus jeune, j’allais à l’Église presque tous les dimanches, j’avais des cours de catéchisme … 

Donc depuis que je suis tout petit, j’ai été éduqué avec cette idée “que le sexe avant le mariage c’est mal, c’est  irrespectueux, c’est honteux”, même si on ne me l’avait jamais formulé comme ça. Je ne pouvais donc pas imaginer avoir une relation sexuelle avec une fille pour qui j’avais de vrais sentiments. Ce serait comme lui faire du mal, lui manquer de respect. 

Alors j’essayais de garder des limites. Jusqu’à cette fameuse nuit. On passait le weekend dans la Bekaa pour un festival de musique avec des amis. Après avoir dansé, bu et passé une bonne soirée, on a fait un tour en voiture pour rester un peu seuls tous les deux. On a commencé à s’embrasser et une chose en amenant une autre, on a fini par passer à l’acte. Je n’avais pas peur mais j’avoue avoir eu un peu la pression de ne pas savoir comment m’y prendre car j’avais l’impression qu’elle avait plus d’expérience que moi. C’était la première fois, donc pas la meilleure. 

Le lendemain, j’ai été pris d’un énorme sentiment de culpabilité : j’avais l’impression d’avoir mal agi, d’avoir fait quelque chose de mal, de lui avoir fait du mal. Alors je l’ai appelée et je me suis excusé, je lui ai dit “pardon”. 

Elle m’a dit qu’on n’avait rien fait de mal. Mais quelques semaines plus tard elle m’a quitté, elle ne savait pas si une relation longue distance pouvait marcher. Puis elle est repartie aux Etats-Unis. J’étais en miettes. J’avoue que pendant longtemps je me suis demandé si en fait elle ne m’avait pas quitté parce qu’on avait eu une relation sexuelle. 

Aujourd’hui seulement, je sais que je n’avais aucune raison de me sentir coupable, qu’on était deux adultes consentants et que ce n’est pas pour ça qu’on s’est séparés.

Je crois que c’est la seule fois de ma vie où j’ai eu une relation sexuelle avec une fille dont j’étais amoureux. 

Après Mira, quand j’avais des relations sexuelles, c’était avec des filles qui savaient qu’on n’était pas en couple et qui étaient d’accord pour que ce soit simplement physique; la plupart du temps ce n’étaient pas des Libanaises. La plupart des Libanaises que je rencontre n’acceptent pas de coucher sans promesse de relation sérieuse et/ou parfois même de mariage. 

Je suis bien retombé amoureux mais j’avais toujours cette mentalité : ne pas coucher avec une fille que j’aime.

Jusqu’à mes  24 ans, quand je suis passé  par une période que j’appelle ma “transformation personnelle”.

A ce moment, sans en être conscient, je vivais une grave dépression. Tout ce que je ressentais c’était une immense souffrance, une chute, une remise en question de toutes mes croyances, de ma propre existence, de mes relations avec mes parents, mes relations avec mes amis, ma copine, tout. Alors j’ai quitté mon travail, ma copine de l’époque, et je me suis isolé. 

Je suis resté 6 mois dans cette période sombre où j’ai touché le fond,  j’ai eu les pires pensées. 

Avec le recul, aujourd’hui je suis content d’être passé par là, car quand j’ai finalement vu le bout du tunnel après avoir été hospitalisé deux fois et suivi par des thérapeutes et médecins, je me suis trouvé.

J’ai enfin compris ce qui était important pour moi : être épanoui et libre;  et ce qui ne l’était pas: l’argent, le “qu’en dira-t-on”, la société. Alors je me suis libéré de tout ce qui me limitait dans la vie : la religion, une façon de penser négative, les amis et connaissances qui jugent, les tabous de la société, tout ça. J’ai commencé à voir au delà de toutes ces contraintes pour rester avec des gens qui pensent comme moi et sont ouverts d’esprit sur tous les sujets.

Après  “ma renaissance” comme je l’appelle, j’ai changé d’avis sur beaucoup de choses, y compris sur ma vie amoureuse et sexuelle.  Alors maintenant quand je couche avec une fille, je recherche une ouverture d’esprit intellectuelle, spirituelle, sexuelle. 

Depuis “cette renaissance”, j’ai eu beaucoup de relations physiques mais rien de sérieux car je me concentre sur mon développement personnel et professionnel. J’ai besoin de continuer à me construire. Je rencontre souvent des filles qui me plaisent mais la plupart du temps elles ne sont pas Libanaises. Je n’ose pas avec les Libanaises. Celles que je rencontre ne sont pas à l’aise avec l’idée du sexe. Je pense qu’elles ne sont pas très matures, elles veulent être avec moi mais sans relations physiques. Moi je n’en suis plus là. Aujourd’hui, je n’épouserai pas une fille vierge par exemple car pour moi elle n’est pas mature, elle n’est pas au même stade de réflexion que moi.

Je suis aussi devenu plus spirituel que religieux. Ce qui compte pour moi c’est l’humain : être authentique et faire du bien. C’est ce qui dicte ma vie. Et avec le sexe c’est pareil, j’ai des valeurs, je ne fais pas de mal ni à moi ni à mes partenaires, on fait en sorte d’être sur la même longueur d’onde. Je ne vais pas coucher avec quelqu’un et lui faire croire que je l’aime si ce n’est pas le cas. Mais si on est tous les deux d’accord, qu’il n’y a pas de jugement, alors je ne vois pas où est le mal? Si on tombe amoureux pourquoi pas; et si ça ne débouche pas sur un mariage ce n’est pas la fin du monde, n’est-ce pas?” 

*le nom a été changé

Cet article fait partie de notre enquête sur la sexualité des Libanais, #LFonsexuality

Reportage et écriture: Soraya Hamdan
llustration: Eva Besse/ photo de Max Sandelin/Unsplash
Edition: MJ Daoud