Rita*, 28 ans, a grandi dans un milieu conservateur chrétien. Pendant très longtemps, elle n’a jamais pu parler de sexualité ni avec ses parents, ni avec ses amis qui ne partagent pas son point de vue sur le sujet.
Elle n’a jamais osé leur dire que pour elle, le sexe avec le mariage est un impératif pour connaître l’autre. 

Voici son histoire:

“La première fois que j’ai eu une relation sexuelle, j’avais 26 ans. Mon petit copain était Libanais mais avait toujours vécu à l’étranger. Je me sentais très à l’aise avec lui, alors j’ai eu envie de passer le cap.  Je ne lui ai pas dit que j’étais vierge à l’époque. Je ne voulais pas le mettre mal à l’aise ni en faire toute une histoire. Quand il a compris que je l’étais, il a été surpris et m’a dit que j’aurais dû lui dire pour qu’il fasse attention. Il a toujours été très doux et attentionné. Je suis contente que ma première fois ait été avec lui.

A l’époque, je n’ai pu en parler qu’à une amie très proche qui avait vécu en France. Ce n’est pas un sujet qu’on peut aborder avec n’importe qui ici. Elle, je savais qu’elle n’allait pas me juger. Malheureusement au Liban, même chez les jeunes, la mentalité est toujours que la virginité de la fille est sacrée, intouchable. 

Même dans mon cercle d’amis proches, il y a plein de gens à qui je ne pourrai jamais dire ce que je pense vraiment du sujet, à qui je ne pourrai jamais avouer que je ne suis plus vierge. Et je les comprends, je ne leur en veux pas. Car avant je pensais comme eux. Moi aussi j’aurais pu dire des choses comme “est-ce que vous achèteriez une canette qui a déjà été ouverte?” On a été élevé avec cette mentalité, avec l’idée que le sexe c’est mal.

C’est la société qui est comme ça. Pour pouvoir évoluer sur ce sujet, il faut avoir été exposé à des gens, à d’autres pays, à certaines situations que pas tout le monde n’a l’occasion de vivre. 

J’ai grandi au Nord Liban. Là-bas, les gens se prétendent  “ouverts” mais ce n’est pas le cas. Moi je suis chrétienne et croyante mais je considère que ce sont les hommes et l’Eglise, et pas la religion, qui ont imposé ce tabou du sexe. 

Mes parents aussi sont croyants mais très ouverts par rapport à leur entourage. Mais même avec eux, je ne peux pas parler de ce sujet. Je sais qu’ils sont absolument contre le sexe avant le mariage non pas parce qu’ils sont croyants mais parce qu’ils veulent me protéger de la société.

Je me souviens avoir eu cette conversation avec ma mère quand j’ai eu 24 ans et que j’étais sur le point de partir faire mes études en Italie. Elle m’a dit: “Fais attention, on est ouverts d’esprit mais pas comme les Européens.” Elle m’a raconté comment quand elle était à l’université, certaines de ses amies avaient franchi le cap avec leurs amoureux, et ensuite ces derniers les avaient quittées en pensant que “si elles ont fait ça avec eux, elles peuvent le faire avec n’importe qui”. Je pense donc que ma mère avait peur que je ne me fasse rejeter par les hommes et ne puisse pas me marier si je perdais ma virginité.

Ce qu’elle ne sait pas et qui m’a beaucoup touchée c’est qu’une de ses meilleures amies m’a prise de côté à la même époque pour me dire : “Rita, je sais qu’on tombe amoureuse, ça arrive. Ca t’arrivera, mais s’il te plait garde juste en tête de bien te protéger”. 

En Italie, je n’ai pas rencontré quelqu’un avec qui j’ai été intime. Mais quand je suis rentrée au Liban et que j’ai eu mon premier amour, nous nous sommes protégés. Je me suis toujours protégée. 

Après mon premier copain, j’ai eu plusieurs autres petits copains libanais. Je n’ai jamais senti qu’ils me jugeaient. Il faut dire que je ne choisis pas n’importe qui. Quand je rencontre quelqu’un, je m’assure qu’il partage la même mentalité que moi. Je m’assure qu’il est ouvert d’esprit sur la sexualité mais aussi sur d’autres choses. C’est très important pour moi, je ne pourrai jamais accepter quelqu’un qui pense que la femme doit être vierge jusqu’au mariage. C’est une question de principe. Ca veut dire qu’il ne me respecte pas en tant que femme qui dispose de son corps. Je préfère rester seule que d’être avec quelqu’un qui pense de cette manière.

Alors quand je rencontre un homme, j’ai des techniques pour voir de quel type de personne il s’agit. J’ouvre des sujets tels que l’homosexualité, la fille qui vit seule à Beyrouth…et j’observe sa réaction, ce n’est pas toujours à 100% certain, mais s’il est homophobe, il y a de fortes chances qu’il soit aussi fermé sur le sujet de la virginité et dans ce cas, je dis “next” 🙂 

Aujourd’hui, non seulement je suis ouverte au sujet de la sexualité avant le mariage, mais je dirais même que c’est un impératif pour moi. Comment connaître celui avec qui je vais passer ma vie si je n’ai pas été intime avec lui? Comment savoir si l’on sera compatibles à ce niveau là? Il y a plein de problèmes que les gens découvrent une fois mariés : manque de chimie, éjaculation précoce, impuissance…Le sexe est important dans un couple et je suis persuadée que s’il y en a autant  de divorces aujourd’hui au Liban, ou s’il y a autant de personnes mariées qui ne sont pas heureuses, c’est parce qu’ ils n’ont pas pris le temps de se connaître avant.”

*Le nom a été changé

Cet article fait partie de notre enquête sur la sexualité des Libanais, #LFonsexuality

Reportage et écriture: Soraya Hamdan
llustration: Eva Besse/ photo de Chad Madden/Unsplash
Edition: MJ Daoud