Lana*, 24 ans est étudiante à l’USJ. Elle vient d’une famille musulmane croyante et pratiquante, elle n’a jamais perdu sa virginité non pas parce qu’elle ne l’a jamais souhaité mais parce que son ex-petit ami n’a jamais voulu passer le cap avant le mariage.

Voici son histoire.

“Ma mère nous a toujours parlés très ouvertement d’amour et de sexualité à mon frère et moi. Elle est divorcée depuis plus de dix ans. Nous vivons avec mes grands-parents dans la maison familiale à Dahié. Nous sommes tous croyants et pratiquants mais en même temps très ouverts sur la sexualité. C’est comme ça que ma mère nous a éduqués : sans tabou. Elle voulait qu’on soit capable de parler de tout avec elle, et c’est le cas. 

Même si je suis très croyante, ça ne me dérangerait pas de coucher avec mon petit ami si je l’aime et que c’est réciproque. Nous avons grandi dans un islam qui encourage l’amour et valorise la sexualité. Et puis je n’aime  pas m’attacher au dogme sans réfléchir, je préfère l’approche spirituelle . Pour nous la religion ce n’est pas quelque chose de menaçant, comme certains chefs religieux peuvent le faire croire. Pour nous l’Islam n’est pas incompatible avec l’amour. 

Mais tout le monde ne partage pas cette vision de l’amour et de la sexualité. C’est d’ailleurs pour cela que je suis toujours vierge à 24 ans. 

J’ai eu trois relations amoureuses. Durant la première j’étais trop jeune pour penser au sexe. Ce n’est qu’après que j’ai commencé à me découvrir en tant que femme. Quand j’ai rencontré Karim*, mon deuxième petit ami, j’avais 19 ans. J’étais en vacances à Détroit. Quand je l’ai vu, j’ai directement été très attirée par lui physiquement. Qu’est-ce qu’il était beau et sexy ! Je n’aurais jamais pensé qu’il me regarderait, j’étais encore étudiante et j’avais un physique de petite fille comparé à l’homme qu’il était. 

Mais il s’est finalement intéressé à moi. Un jour, on était chez des amis en commun et je cherchais un endroit pour prier. C’est comme cela que j’ai attiré son attention. Il ne pensait pas que j’étais pieuse, car je n’en avais pas l’air. Et lui l’était. Il cherchait une fille vierge pour se marier, même s’il avait une copine américaine avec qui il avait des relations sexuelles. Il était Libanais mais était né et avait grandi aux Etats-Unis. Je croyais donc qu’il était ouvert d’esprit, un peu comme moi. En fait, c’était tout l’inverse. 

Mais à l’époque j’étais trop sous le charme pour m’en rendre compte. On a commencé à se fréquenter. Il venait me voir au Liban pendant ses vacances. C’est là que j’ai été surprise par sa manière de vouloir apprendre à me connaître. Il ne voulait me voir qu’à la maison avec ma mère et ma soeur. C’est moi qui ai dû le convaincre que pour bien se connaître, nous avions besoin de sortir de la maison aussi. Mais il me plaisait tellement que je passais outre ces signaux qui étaient pourtant des signes qui auraient m’alerter. 

Même pour notre premier baiser c’est moi qui ai  dû prendre les devants ! Au bout d’un mois, je n’en pouvais plus ! Il ne m’avait toujours pas pris la main. Alors un jour, quand on s’est retrouvés seuls, je me suis approchée de lui, et essayé de l’embrasser sur la joue. Au début, ça l’a mis mal à l’aise, il a refusé puis il s’est laissé aller et je l’ai finalement embrassé sur la bouche.

Le lendemain on s’est revus à Jezzine. J’avais envie de continuer mais il avait l’impression qu’on avait fait quelque chose de mal, de “haram”. Il en faisait tout un plat, alors pour le calmer et qu’on puisse continuer à s’embrasser et se caresser sans qu’il panique je lui ai proposé de faire un contrat de mariage temporaire, comme il en existe chez les chiites. 

On a continué notre relation comme ça pendant deux ans, mais malgré ce contrat il n’a jamais voulu qu’on aille plus loin que les caresses avant le “vrai” mariage. Je pense qu’il avait peur de la religion et aussi que que je ne puisse plus me marier si les choses ne marchent pas entre nous. 

Très rapidement, les problèmes ont commencé dans notre couple. Je voyais bien que mon ouverture d’esprit, ma liberté l’enervaient. Il ne comprenait pas qu’une femme puisse être curieuse de découvrir sa sexualité, puisse s’intéresser au plaisir, poser des questions, vouloir explorer…Du coup, il n’avait pas vraiment confiance en moi.

Il menaçait d’ailleurs souvent de me quitter s’il apprenait que j’avais fait quoi que ce soit de sexuel avec mon ex petit ami. Et moi j’avais souvent envie d’aller plus loin avec lui mais il n’a jamais accepté. On faisait pourtant tout, sauf la pénétration, il n’a jamais voulu. C’est comme ça dans notre milieu, les filles font presque tout sauf la pénétration vaginale. J’ai même beaucoup de copines qui à la place accèptent de pratiquer la pénétration anale pour conserver leur virginité ! Je trouve ça révoltant, mais malheureusement on peut rien y faire, c’est la société qui est comme ça.

Ca faisait déjà donc pas mal de temps que je sentais un décalage entre nos deux mentalités, mais je n’avais pas le courage de le quitter. Un jour, j’assistais à une conférence sur la sexualité avec une ONG chez qui je faisais un stage. C’était sur la question des enfants qui avaient été abusés. Il m’a appelée au milieu de la conférence, et j’étais tellement intéressée que j’ai eu envie de partager ça avec lui. Là il m’a crié dessus : “ya que le sexe qui t’intéresse!”. J’ai réalisé que ça suffisait. Je lui ai dit : “Karim tu es quelqu’un de bien et moi aussi je suis quelqu’un de bien, mais on est juste pas faits l’un pour l’autre.”

J’ai pris pas mal de temps pour me remettre de cette histoire qui m’a beaucoup affectée. Mais je suis contente d’être passée par là, ça m’a fait grandir. Ca m’a appris à savoir quel type d’homme je cherche:  je veux quelqu’un d’ouvert d’esprit et de respectueux. Je ne trouve pas ça respectueux du corps de la femme de lui imposer d’être vierge. 

Aujourd’hui ça fait un an que je suis avec mon nouveau copain, il s’appelle Nour* et il est adorable. Je pense que je suis son premier amour même s’il a déjà eu des relations sexuelles avant. C’est un garçon croyant et pratiquant comme moi mais je peux sentir qu’il est aussi ouvert d’esprit. Je le vois dans nos conversations. Il ne m’a jamais demandé ce que j’avais fait avant avec mes exs. Il a même dit que ça lui était égal et qu’il connaissait ma valeur peu importe ce que j’ai fait avec mon corps. Je l’adore pour ça et le respecte encore plus. Je sais qu’il est follement amoureux de moi et c’est pour ça que j’ai décidé d’attendre un peu avant d’avoir des rapports intimes avec lui. En fait, j’ai encore des doutes sur notre avenir ensemble et j’ai peur que si on passe le cap il s’attache trop à moi; si on doit se quitter ensuite, ça pourrait lui faire du mal je pense. Moi j’ai déjà expérimenté une rupture amoureuse et c’est très douloureux. Lui ne s’est jamais encore séparé d’une femme qu’il aime. Ce serait peut-être encore plus douloureux pour lui de se séparer de moi si on avait eu des relations intimes, non ?”  

Cet article fait partie de notre enquête sur la sexualité des Libanais, #LFonsexuality

Reportage et écriture: Soraya Hamdan
llustration: Eva Besse/ photo de Franciso Moreno /Unsplash
Edition: MJ Daoud